XXXXIX - UNE APOLOGIE DU SUICIDE ?

1 - Il y aurait tant à dire sur les trois derniers épisodes de la saison 5…

Je ne parlerai que d'une chose, qui m'a dérangé :

la façon dont cette saison peut être perçue comme inconsciemment favorable au suicide des adolescentes.

Toute la saison est fondée sur la fascination de Buffy pour la mort, avec la révélation par Spike du désir de mort des tueuses, puis celle de la première tueuse (" La mort est ton cadeau "), et afin le sacrifice final de Buffy.

La mort de Buffy est un sacrifice volontaire, pour protéger à la fois sa sœur et l'ensemble de la communauté.

Buffy fait passer l'existence des autres avant la sienne, et en cela elle est une héroïne. Le contraste est flagrant avec Ben, qui choisit de trahir Dawn et l'ensemble de l'humanité pour sauver sa propre existence.

Mais je persiste à trouver dérangeante cette sorte d'apologie du suicide.

Que Buffy éprouve une attirance fascinée pour la mort, soit !

Mais qu'elle s'abandonne à cette attirance, même sous le couvert d'un sacrifice héroïque, non !

Même si ce n'est bien sûr pas le message explicite de BTVS, je trouve dangereusement incitatif ce discours sous-jacent.

J'avais déjà éprouvé un gros malaise avec la scène où Dawn découvre sa véritable nature, et où, ne pouvant la supporter, elle s'entaille les veines avec un grand couteau de cuisine.

Le spectacle de Dawn dégoulinante de sang, montrait une adolescente confrontée à un grave problème identitaire, mais qui cédait à la tentation du suicide plutôt que d'affronter les difficultés.

D'ailleurs, il est fait une allusion à cette tentative de suicide par une camarade de Dawn, à son école, dans " The body " :

Kevin : " So I heard you, like, had a freak-out and cut yourself. "

Dawn : " Uh, no, not even. It was a whole ... it was so not... "

Kevin : " I've felt like that before. (Dawn looks surprised) Things get so crazed, you know, you just feel like you wanna do something ... extreme. "

Dawn : " Yeah. I just ... I had a lot of intense stuff going on. (Kevin smiles, returns to his drawing) A lot of people don't understand that. Pain. "

Quant à Buffy, elle a déjà montré un comportement très dépressif, lorsqu'elle fait une fugue au début de la S3, et qu'elle a le plus grand mal à réintégrer le Scooby gang.

Lorsque Dawn se fait enlever par Glory, Buffy disjoncte à nouveau, d'une façon plus grave encore, lorsqu'elle se réfugie dans un monde imaginaire, répétitif, régressif, culpabilisant et finalement très sécurisant : rien ne peut arriver d'imprévu.

Pour la seconde fois dans cette saison, Buffy refuse la réalité. Lors de la découverte du corps de sa mère, elle s'était déjà réfugiée quelques instants dans un monde alternatif et fabuleux, où elle parvenait in extremis à sauver Joyce. Ces fuites devant la dureté du monde montrent un grave trouble de Buffy, qui se révèle finalement être une aspiration à s'évader pour un " autre " monde, quel qu'il soit.

Cet éloge de la fuite, cet abandon de l'esprit de lutte, l'affirmation selon laquelle Buffy est épuisée par cette charge trop lourde qui pèse sur ses épaules…

…tout ceci ressemble très fort à une grosse dépression.

Buffy parvient à relancer la machine à tuer, et repart au combat.

Mais elle est dans de telles dispositions d'esprit, que son sacrifice peut être lu d'une façon très différente. Par sa mort, elle résout à la fois ses trois plus gros problèmes : préserver sa sœur, sauver l'humanité, et connaître enfin le soulagement, la fin des souffrances et des angoisses, grâce à une mort libératrice.

Le suicide perçu comme une délivrance, voilà ce qui me paraît difficile à admettre comme message.

La scène très dure du démon qui pratique des entailles sur Dawn, renvoie par ailleurs au moment où Dawn s'est coupée les veines. Une métaphore cachée du suicide de Dawn ? Le suicide de Buffy pour éviter celui de Dawn ?

Nous savions déjà que Buffy pouvait exprimer une grande souffrance psychologique. La vie de Dawn, quant à elle, bascule le jour où elle découvre ses origines, ce qui transforme cette petite peste en une personne psychologiquement très fragile.

Cette saison n'est peut-être finalement que la métaphore de deux adolescentes suicidaires, dont l'une va jusqu'au bout de ses actes pour protéger sa sœur.

Si cet épisode avait été le tout dernier de BTVS, je pense que la mort de Buffy aurait été traitée de façon très différente. Présenter le suicide de Buffy comme la solution finale à ses problèmes, avec le risque d'en faire un modèle pour les adolescents fragiles, aurait été catastrophique.

Buffy affronte des épreuves terribles, et il est légitime de la monter très fragilisée sur le plan psychologique. Mais cette " descente aux enfers " n'a de sens que pour montrer une Buffy qui surmonte les pires obstacles, grâce à une rage de survivre.

Sur le plan métaphorique, cette mort de Buffy peut être lue de deux façons très différentes :

1 - En positif : cette mort représente la fin d'un cycle, probablement l'adieu définitif à l'adolescence de la tueuse.

2 - En négatif : le suicide est une délivrance à toutes ses souffrances.

Tous le monde sait qu'il y a une saison 6, que la tueuse va forcement ressusciter, et que la vision positive triomphera.

Mais attention aux personnes fragiles qui, se reconnaissant dans Buffy et Dawn perçues comme des adolescentes suicidaires, privilégieront la vision négative…

2 - Cette analyse a suscité beaucoup de commentaires.

Je passe la parole à Seb, qui n'est pas d'accord…

" Bon j'ai volontairement pris un peu de temps pour répondre, je dois dire que c'est une des rares fois où je me sens en profond désaccord avec toi sur un post :)

J'ai moi même utilisé le terme de suicide dans mon post sur l'épisode, mais il me parait difficile de parler d'apologie car ici il n'est pas question de fuite, mais de choix et d'un choix plus cartésien qu'il n'y parait.

Mais avant de revenir à cet aspect des choses, une première remarque.

Comme nous le savons tous, la série propose plusieurs niveaux de lecture mais il me semble dangereux, voir faux, de les mélanger et c'est, à mon avis, un peu ce que tu fais ici.

Soit nous sommes dans un niveau de lecture au premier degré ( dans son acception non méprisante ) alors Buffy est une tueuse de Vampire, comme ses prédécesseuses, elle n'est pas destinée à vivre longtemps, sa vie est vraiment un enfer fait de violence, elle y côtoie la mort quotidiennement, porte le poids du monde sur ses épaules et finie par développer comme d'autre avant elle un "deathwish" comme le dit Spike.

Elle a alors l'opportunité, plutôt que de mourir bêtement au coin d'un cimeterre, de donner un sens à sa mort en sauvant le monde et en offrant une vie à sa soeur. Dans ce cadre elle fait un choix utile, un choix de vie en offrant à Dawn un avenir qu'elle sait dans ce cadre ne pas avoir.

De plus, elle se permet ainsi un pied de nez au destin qui avait condamné Dawn, destin qu'elle doit tenir pour le principal responsable de sa propre misère.

Dans cette interprétation, il n'y a pas de parallèle avec la vie des adolescents de ce monde, pas d'interprétation donc à fortiori pas d'apologie. Nous sommes dans le Buffyverse et dans ce monde uniquement ici l'acte de Buffy est un choix habité par un sens.

Ou bien nous sommes dans la métaphore, la série est le parcours initiatique vers l'âge adulte, les vampires et démons sont nos propres peurs et nos angoisses. Mais alors la mort n'est qu'un passage, le passage qui permis dans prophétie à l'enfant Buffy de devenir une adolescente rebelle et habitée d'une forte personnalité pour sauver et prendre en charge la détresse de ses amis, le passage qui permet dans " The gift " à l'adolescente Buffy de devenir l'adulte protégeant et prenant en charge sa petite sœur.

Dans ce cas il s'agit d'assumer ses responsabilités et l'on est très loin du suicide, ce qu'à sacrifié Buffy, c'est ses restes d'insouciance, ses illusions de jeune fille. "

 

3 - Commentaires de Vendha :

" L'impact des images diffusées est un thème délicat. Est-ce que cela nous pousse à reproduire, ou au contraire nous permet simplement de le vivre virtuellement en évitant le passage à l'acte ?

Dans l'ignorance qu'il est de l'impact de ce qu'il livre, l'artiste doit-il s'inhiber, s'autocensurer ?

Sous prétexte que cela pourrait nuire à quelqu'un la censure doit-elle être drastique ?

Le remède ne serait-il pas pire que le mal ?

Le suicide des adolescents est en augmentation constante. Je ne suis pas sur que les films en soient responsables. On retrouve plutôt des causes socio-économiques, familiales, sentimentales. La goutte d'eau toute seule ne saurait faire déborder le vase. "

4 - Commentaires d'Anne-Elisa :

5 - Ce n'est bien sûr pas mon intention…